L'autre jour, suite à un commentaire laissé sous un de mes articles, j'ai pris conscience que les années m'ont fait évoluer et voir la vie autrement. Je m'explique.
La maladie fait désormais partie de ma vie depuis (laissez moi compter) un peu moins de vingt ans. Cela me paraît hyper lointain. Pourtant vingt ans, ce n'est pas si énorme. Mais force est de constater que j'ai parcouru pas mal de chemin dans ma vie depuis l'annonce de la maladie.
À l'époque, un médecin m'a dit qu'un jour je ne marcherai plus. Mais ne savait pas me dire quand. Ce qui, il faut le dire était extrêmement déstabilisant. Les choses ont évolué petit à petit. J'ai commencé par avoir de plus en plus de mal à marcher. C'était très fatiguant. Bien sur, je l'ai très mal vécu. À l'âge de quatorze/quinze ans, on n'a pas envie d'être différent des autres. On voudrait, au contraire, se fondre dans la masse. Cela n'a malheureusement pas été mon cas.
J'ai d'ailleurs fait l'objet de pas mal de moqueries. Je me souviens avoir été très en colère contre tout à cette époque. Contre tout, tout le temps. C'était vraiment difficile d'accepter d'être malade et de ne pas pouvoir faire tout ce que je voulais. Quand je voulais. Et surtout comme les autres.
Et puis, les choses ont continué de se détériorer. J'avais de plus en plus de mal à me déplacer sur de longues distances. Évidemment, je ne voulais pas l'admettre. Alors, je repoussais mes limites. Faisant des efforts qui me coûtaient beaucoup. Beaucoup trop avec le recul. Et c'est à ce moment là que mon médecin spécialiste a abordé avec moi la question du fauteuil roulant. La claque.
Je me souviens très précisément de ce jour là, pourtant cela remonte à longtemps. Je me souviens surtout de ma réaction: j'avais été choquée. Parce que cela ne faisait pas partie de mes plans. Oh ça, non. Je ne voulais pas de "ça" dans ma vie, c'était hors de question. J'avais fait sans jusqu'à présent, cela allait continuer comme ça. Point à la ligne. Tout ça est probablement une question de fierté.
Et puis, le temps est passé, j'ai cru pouvoir remporter cette victoire. J'ai cru pouvoir faire comme si de rien n'était. Sauf que j'ai bien du finir par reconnaître que les choses s'aggravaient de trop et qu'à cause de cela, la marche devenait de plus en plus difficile, épuisante même. Certains jours c'était même impossible. Au point que je commençais à passer à côté de certaines sorties avec les copains.
C'est à ce moment là que le fauteuil roulant est entré dans ma vie. C'est moi qui l'ai décidé, cela a son importance, croyez moi. J'ai pris conscience que c'était la condition pour retrouver une certaine liberté. Alors attention, une liberté somme toute relative. Mais, en tout cas, je me souviens que cela me permettait de pouvoir me rendre à nouveau au cinéma ou faire les magasins en ville avec les copines.
Et puis, un jour j'ai complètement perdu la marche. Et là, ce fameux fauteuil a fait partie à temps plein de ma vie. Je suis passée au fauteuil roulant électrique pour gagner en autonomie dans mes déplacements. Quand j'y repense cela avait même un côté un peu amusant de conduire un truc motorisé. Par contre, il faut savoir que se déplacer en fauteuil roulant change beaucoup de choses dans un quotidien. On ne peut plus tout faire seul. Ne plus pouvoir se mettre debout a un certain nombre de conséquences sur toutes les petites choses que l'on a à faire dans une journée. Des choses qui vont paraître anodines pour vous vont être une vraie épreuve pour moi. Aujourd'hui, je dois faire appel au quotidien à des auxiliaires de vie plusieurs fois par jour pour m'aider. Les années ont passé et tout cela fait partie intégrante de moi, de ma vie. J'ai appris à faire avec et globalement je ne le vis plus trop mal.
Si je vous raconte tout cela, c'est parce que l'autre jour, j'ai été émue par un commentaire sous un de mes articles. Cette personne me disait que ses déplacements devenaient difficiles. Je lui ai alors demandé si elle n'utilisait pas parfois un fauteuil roulant pour la soulager un peu. Elle m'a répondu que non, que ce n'était pas facile à accepter. Et c'est là que j'ai eu une grande prise de conscience. Je n'ai pas pu m'empêcher de faire le parallèle avec ma propre histoire. Je comprenais complètement ce qu'elle pouvait ressentir parce que je l'ai vécu. Je suis passée exactement par ces mêmes étapes.
Mais je sais aujourd'hui à trente et un an que le temps a fait son œuvre et que j'ai évolué parce que je suis désormais celle qui a pu lui dire que même si c'est extrêmement difficile d'accepter l'arrivée du fauteuil roulant, cela pourrait vraiment la soulager. Moi, j'ai su lui dire ça alors que j'étais celle qui se rebellait contre ça à l'époque. C'est fou ça quand même. Ce que je sais, c'est qu'à mon niveau je serais ravie de pouvoir partager mon expérience avec ceux qui sont en train de vivre cette douloureuse étape. Pour leur dire que oui, c'est difficile mais qu'un jour ils seront capables d'y trouver une forme de libération. Et que l'arrivée de ce fauteuil dans leur vie leur ouvrira à nouveau des portes qui leur étaient fermées.
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Et derrière ces portes, il y a le monde à explorer !