30 janvier 2013
3
30
/01
/janvier
/2013
10:30

Me voilà face à mon clavier pour vous parler d'un sujet sensible: la dépendance. Sujet sur lequel je pourrais vous parler pendant des heures, tellement il me touche de près.
En ce qui concerne la définition du mot dépendance dans le dictionnaire, il s'agit du rapport de liaison étroite entre quelque chose et ce qui le conditionne, le régit. Pour préciser le sujet avec une approche qui m'intéresse plus particulièrement, je dirais surtout que la dépendance peut être définie comme la perte d’autonomie et l’incapacité pour une personne d’effectuer les gestes essentiels de la vie quotidienne, comme se lever, faire sa toilette, s’habiller et se déplacer chez soi ou à l’extérieur. Des actes anodins quand on est en pleine forme, mais qui demandent des efforts considérables quand la dépendance s’installe.
Les termes d’autonomie et de dépendance ne sont pas opposés car l’autonomie se réfère au libre arbitre de la personne alors que la dépendance est définie par le besoin d’aide . Mais ces deux notions se complètent vraiment.
Bien souvent, la dépendance est associée à la personne âgée. C'est un tort, selon moi. Car cela peut toucher tout le monde. À tout âge. Et en particulier, des personnes jeunes. Pour ma part, je reste convaincue qu'il est probablement plus difficile d'affronter la perte d'indépendance pour un 'jeune' plutôt que pour une personne âgée. Sans pour autant dire que c'est facile. Je me dis juste que la vie est ainsi faite et qu'il est courant de perdre en autonomie en vieillissant. Mais qu'il est bien moins évident de devenir dépendant pour un ado ou un jeune adulte. À l'âge où justement, on voudrait tout envoyer promener et se débrouiller seul. Ce point de vue n'engage que moi, bien sur.
J'ai trente ans et cela fait une quinzaine d'année que je suis dépendante. Bien sur cela a évolué dans le temps. Au départ, je marchais. Aujourd'hui, je ne marche plus du tout et me déplace en fauteuil roulant électrique. Je vous laisse imaginer à quel point cela change radicalement une vie. Ou alors non, je vais vous expliquer un petit peu ce qui peut changer réellement.
Par exemple, là où avant tu pouvais aller où tu voulais, quand tu voulais et comme tu voulais. Ben, aujourd'hui, tu ne peux plus. Parce que le fauteuil a pris de la place dans ta vie et qu'il t'empêche de faire certaines choses. Ne plus pouvoir se mettre debout est très contraignant. Me concernant c'est à ce moment là que je considère que je suis réellement devenue dépendante. Parce que là où avant je pouvais tout faire toute seule, je dois désormais solliciter l'aide d'une tierce personne.
Il y a huit ans, suite à un évenement personnel bouleversant, j'ai eu à remettre en cause toute ma vie. Ma façon de vivre, en particulier. C'est à cette époque que j'ai eu à faire appel chaque jour à des auxiliaires de vie. Pour ce qu'on appelle les 'gestes essentiels de la vie quotidienne'. J'ai très mal vécu ce changement radical dans mon quotidien au début. Je l'ai vécu comme une intrusion dans mon intimité. Moi qui suis très pudique, j'ai du apprendre à ne plus l'être. Car c'est, selon moi, le prix à payer pour se faire aider au quotidien. Il faut accepter la présence de ces tierces personnes dans notre vie. Accepter l'idée qu'elles sont là pour nous aider. Que c'est comme ça. Qu'on n'a pas le choix.
Ce qui me dérange parfois, c'est d'être à la merci de personnes qui ne veulent pas forcément ton bien. Qui sont là pour t'apporter de l'aide au quotidien mais le font de la mauvais manière. Ou bien qui considèrent que, sous prétexte que tu ne peux pas faire sans elles, tu seras prête à tout tolérer et tout accepter. Que tu fermeras ta gueule. Après tout, tu n'as pas le choix !
Alors, je vais prendre le temps de rappeler qu'être dépendante n'est pas faire une croix sur toute opinion, tout jugement ou toute liberté. Avoir besoin des autres pour vivre au quotidien n'est pas faire une croix sur ce que l'on est. Une personne handicapée reste une personne. Digne de respect et de considération.
Je méprise les personnes dont c'est le métier d'intervenir auprès de personnes malades ou dépendantes et qui prennent cela à la légère. Qui ne prennent pas conscience du rôle qu'elles ont à jouer auprès de ces personnes. Ces personnes qui se battent chaque jour pour vivre. Pour vivre le plus normalement possible. Je méprise ces personnes qui ne prennent pas leurs responsabilités et se permettent de laisser une personne dépendante sans l'intervention d'auxiliaires de vie durant trois jours entiers. Sans scrupule. Je ne sais pas, ils doivent imaginer que l'espace de trois jours, la maladie disparait et que, comme par magie, on va se débrouiller seul. Ben oui, ça serait plus simple.
Cette personne dont je vous parle, c'est moi. La semaine dernière, le prestataire de service à qui je fais appel pour m'aider m'a laissé trois jours entiers sans intervention d'auxiliaires de vie alors que sans cela, je ne peux me lever le matin, me laver, m'habiller et j'en passe. Inutile de préciser que cette situation est scandaleuse. J'aime autant vous dire que si mon conjoint n'avait pas été là pour rattraper le coup, et ce malgré des engagements professionnels, je ne donnais pas cher de ma peau.
Vivre au quotidien avec une maladie ou un handicap est un vrai combat. La dépendance est loin d'être facile à vivre tous les jours. Car il faut se battre pour avoir le droit de vivre comme tout le monde. Pour pouvoir se lever le matin et aller bosser, comme les autres. Se battre pour avoir le droit au respect. Le droit à la considération. Se battre pour faire changer les mentalités dans ce domaine. Faire comprendre aux gens que malgré notre différence, on aspire aux mêmes choses que les autres. Et que, non, notre projet de vie, ce n'est pas de rester enfermé toute la journée à la maison à se morfondre. À ne rien faire.
Aujourd'hui, malgré les difficultés, cela ne m'empêche pas d'être heureuse. D'avoir des projets plein la tête. De croquer la vie à pleines dents. De me battre chaque jour pour ne pas baisser les bras même si cela reste difficile certains jours. Je crois que la vie mérite qu'on se batte pour elle. Quoi qu'il puisse se passer. Bon ou mauvais.