L'autre jour au fil d'une conversation, une personne me demandait si j'ai toujours été en fauteuil roulant. Je lui répondais que non, avant je marchais. Je me suis entendue lui dire en rigolant qu'en fait, c'est un peu comme si j'avais eu deux vies dans une vie. Cela peut paraître étrange mais c'est réellement ce que je ressens. J'ai le sentiment qu'il y a la vie où j'étais debout, et puis il y a celle d'après où je suis en fauteuil roulant.
Cette personne était d'ailleurs un peu mal à l'aise quand je lui ai dit ça. Mais moi, je me rends compte que c'est plutôt quelque chose qui m'a fait sourire. J'étais presque heureuse à cette idée. Vous vous rendez compte ? Avoir deux vies dans une seule, quelle chance finalement. Alors oui, bien sûr, il faut sans doute pas mal d'années pour pouvoir le penser. Vraiment le penser, je veux dire. Parce qu'il m'a quand même fallu passer par des épreuves douloureuses.
La période où j'étais encore debout paraît déjà être il y a une éternité. Je m'en souviens évidemment de manière très précise. J'ai plein d'images en tête, plein de souvenirs. Et puis, j'ai bien quelques photos qui se rappellent à mon bon souvenir. Par exemple, dans mon salon, j'ai une photo où je suis sur des skis en classe de neige. Les gens ne me croient jamais quand je leur dis que c'est moi. Ça me fait toujours beaucoup rire.
Et puis, il y a cette nouvelle vie, l'actuelle, où je suis dans un fauteuil roulant électrique. Je suis sûre d'une chose, c'est que je ne suis plus la même personne qu'avant, quand j'étais debout. Mon quotidien, mes habitudes, ma façon de vivre et de voir la vie ne sont définitivement plus les mêmes. L'avancée de la maladie au point de me faire perdre la marche a été comme une tornade. Une tornade qui a emporté avec elle celle que j'étais à l'époque.
Toujours est-il que cette vie que j'ai aujourd'hui ne me paraît en rien moins qualitative ou moins importante que la précédente. C'est la mienne, même si je ne l'ai pas forcément choisie. J'ai appris à me reconstruire, avec ce nouveau corps. J'ai appris à vivre avec de nouvelles contraintes. Je vis en compagnie de la maladie, chaque jour. Mais chaque jour aussi, je m'applique à apprécier les petites choses qui me font du bien, me font sourire. Et surtout, première, deuxième ou troisième vie, peu importe, j'aime la vie. J'aime ma vie.